De l’intérêt de recourir à l’aménagement du temps de travail en entreprise
Nombre de petites et moyennes entreprises n’utilisent pas la faculté offerte par les textes en vigueur pour mettre en place un système d’aménagement du temps de travail qui s’articule avec leur type et leur niveau d’activité.
Résultats: l’entreprise paie des heures supplémentaires qui pourraient être évitées ou s’engage dans une organisation « maison » qui lui fait courir de nombreux risques eu égard à ses salariés mais aussi à l’inspection du travail ou à l’URSSAF.
Recourir à un système d’aménagement du temps de travail permet tout à la fois de réaliser de substantielles économies et d’exercer son activité en ayant toute la sécurité juridique requise mais également la souplesse nécessaire pour faire évoluer le système avec l’activité.
Un bon exemple vaut mieux qu’un long discours
Lorsque l’entreprise n’applique aucun aménagement du temps de travail de ses salariés, elle peut être confrontée à la situation suivante (hypothèse d’un salarié embauché sur la base d’un contrat à 35 heures/semaine) :
- Semaine 1: le salarié a travaillé 28 heures
- Semaine 2: le salarié à travaillé 45 heures
- Semaine 3: le salarié a travaillé 32 heures
- Semaine 4: le salarié a travaillé 36.5 heures
Dans une telle situation, il appartient à l’employeur de payer 140 heures (4×35 heures) au taux normal et de payer 9.5 heures supplémentaires majorées à 25% et 2 heures supplémentaires majorées à 50%. Sur la base d’un SMIC (11.07€/h), cela représente 1 714.47€ bruts.
Et oui! Impossible de compenser les heures effectuées au-delà de 35 heures au cours des semaines 2 et 4 avec les heures effectuées en-deçà de 35 heures au cours des semaines 1 et 3. Cela signifie que même si le salarié a travaillé, à la demande de l’employeur, moins de 35 heures, l’entreprise doit tout de même payer son salarié sur la base des 35 heures qu’il aurait dû effectuer, quand bien même ce dernier aurait effectué des heures supplémentaires précédemment.
En revanche, si l’entreprise avait fait application d’un aménagement du temps de travail, il aurait été possible de compenser les semaines de plus faible activité avec celles ayant une plus forte activité. Dans l’exemple ci-dessus, cela conduirait l’entreprise a payé son salarié de la façon suivante: 140 heures au taux normal et seulement 1.5 heures supplémentaires à un taux de majoration choisi (minimum 10%), soit un coût ramené à 1 568.07€ bruts et donc une économie de près de 150€ pour ce seul salarié et sur cette seule période quatre semaines…. Imaginez sur l’année ce que cela représente!
Et cet exemple pris pour une période de quatre semaines peut tout à fait être étendu sur des durées plus longues, ce qui permet encore une meilleure optimisation.
Quelles sont les modalités d’aménagement du temps de travail ?
Le principe est que le temps de travail se décompte à la semaine et que la semaine débute le lundi à 0 heure et se termine le dimanche à 24 heures.
L’intérêt d’aménager le temps de travail de l’entreprise réside dans le fait de pouvoir déterminer une période de référence supérieure à la semaine. Cela permet aux entreprises, qui n’ont pas nécessairement une activité régulière, de prévoir une compensation entre les semaines de plus faible activité et les semaines où l’activité est plus soutenue.
Pendant toute la période, le salarié est rémunéré dans les conditions habituelles, indépendamment de l’horaire effectué au réel. Les heures supplémentaires ne seront décomptées qu’à l’issue de la période de référence et elles correspondent uniquement aux heures effectuées au delà d’une durée hebdomadaire moyenne de trente-cinq heures calculée sur la période de référence (dans l’exemple ci-dessus, seules les heures travaillées au-delà de 140 heures sur quatre semaines (4 x 35h) sont considérées comme des heures supplémentaires)).
Ainsi, si la période de référence retenue est d’un an par exemple, le salarié sera payé sur la base de 151.67 heures pendant onze mois puis, le douzième mois, il percevra, en plus, les éventuelles heures supplémentaires qui n’auraient pas été compensées avec des périodes de moindre activité au cours de la période de référence.
La durée maximum de cette période de référence va dépendre des modalités de mise en oeuvre de l’aménagement du temps de travail :
- si l’aménagement du temps de travail est mis en oeuvre par accord d’entreprise ou d’établissement: la durée maximum de la période de référence est d’un an
- si l’aménagement du temps de travail est mis en oeuvre par accord de branche: la durée maximum de la période de référence est de trois ans
- si l’aménagement du temps de travail est mis en oeuvre à la seule initiative de l’employeur: la durée maximum de la période de référence est de 4 semaines pour les entreprises employant 50 salariés et plus et de 9 semaines pour celles qui emploient moins de 50 salariés.
Point important : La mise en place d’un dispositif d’aménagement du temps de travail sur une période supérieure à la semaine par accord collectif ne constitue pas une modification du contrat de travail pour les salariés à temps complet. Cela signifie que cette nouvelle organisation s’impose à eux et qu’ils ne peuvent la refuser sous peine de commettre une faute susceptible d’une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement.
Négocier un accord relatif au temps de travail peut également se révéler opportun pour définir avec précision ce qui, dans l’entreprise, constitue du travail effectif et ce qui, à l’inverse, n’ouvrira droit qu’à une contrepartie. Grâce à l’accord, l’entreprise peut aussi déterminer les taux de majoration des heures supplémentaires et les modalités de prise des repos auxquels le salarié peut prétendre durant la période de référence pour compenser les périodes de plus fortes intensités.
Dans le cadre d’un contentieux prud’homal, les juridictions seront également sensibles à la « bonne volonté » du chef d’entreprise d’encadrer le temps de travail de ses salariés.
La Cour d’Appel de Poitiers, pour rejetter une demande de prise d’acte de 4 salariés (qualifiée par ces derniers de licenciement sans cause réelle et sérieuse), a retenu que la rupture du contrat de travail à l’initiative des salariés avait été réalisée au cours d’une période où l’employeur avait engagé un processus d’aménagement du temps de travail par voie d’accord d’entreprise. La Cour reproche aux 4 salariés d’avoir précipité la rupture unilatérale de leur contrat avant la signature effective de l’accord pour réclamer un nombre substantiel d’heures supplémentaires, alors qu’in fine, dans ledit accord, les points de discussion du contentieux étaient évoqués (CA Poitiers, 30 juin 2022, RG 20/01888).
En somme, il n’y a que des avantages à négocier un accord portant aménagement du temps de travail. C’est la clé d’une organisation sur mesure qui s’adapte aux besoins de l’entreprise et l’accompagne dans son évolution, tout en lui assurant la sécurité juridique qui s’impose.
Comment mettre en place un accord d’aménagement du temps de travail dans mon entreprise ?
Le législteur a récemment simplifié et ouvert le dialogue social dans l’entreprise.
En application de l’article L. 3121-41, un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche peut définir les modalités d’aménagement du temps de travail et organiser la répartition de la durée du travail sur une période supérieure à la semaine.
La priorité est désormais donnée à l’accord d’entreprise ou d’établissement et c’est là que se trouve toute l’opportunité à saisir par les chefs d’entreprise. Comment faire en pratique?
Dans les entreprises ayant un délégué syndical, l’accord est négocié avec le ou les délégués syndicaux et doit être majoritaire c’est-à-dire signé par un syndicat ayant recueilli au moins 50 % des suffrages exprimés en faveur des syndicats représentatifs. Si l’accord n’est pas majoritaire, les syndicats ayant obtenu plus de 30 % des suffrages exprimés au 1er tour des élections peuvent demander la validation de l’accord par référendum dans le délai de 8 jours à compter de la signature de l’accord. L’accord est validé s’il remporte 50 % des votes des salariés.
Dans les entreprises dépourvues de délégué syndical il faut se pencher sur l’effectif de l’entreprise:
* Si l’effectif est > ou = à 50 salariés: l’accord est négocié et signé avec des élus du CSE mandatés par une organisation syndicale et approuvé par les salariés à la majorité simple. A défaut, il est négocié avec des élus du CSE non mandatés et signé par les membres du CSE représentant la majorité des suffrages exprimés lors des dernières élections professionnelles. A défaut d’élu souhaitant négocier, il est signé avec des salariés mandatés et approuvé par les salariés à la majorité simple
* Si l’effectif est compris entre 11 et 20 salariés avec un CSE ou de 20 à moins de 50 salariés: soit l’accord est négocié avec un élu du CSE (mandét ou non) et signé par les membres du CSE représentant la majorité des suffrages exprimés lors des dernières élections professionnelles, soit l’accord est négocié et signé avec un salarié mandaté puis approuvé par les salariés à la majorité simple.
* Si l’effectif est compris entre 11 et 20 salariés mais que l’entreprise ne comporte aucun CSE (PV de carence obligatoire): soit l’employeur propose directement un projet aux salariés lesquels doivent l’approuver à la majorité des deux tiers, soit l’accord est négocié et signé avec un salarié mandaté puis approuvé par les salariés à la majorité simple.
* Si l’effectif est < à 11 salariés: Il appartient simplement à l’employeur de soumettre directement un projet d’accord aux salariés, lequel sera validé si deux tiers au moins d’entre eux l’approuvent.
Vous avez désormais toutes les clés pour optimiser l’organisation du temps de travail dans votre entreprise et ainsi poursuivre votre activité en toute sérénité tout en faisant de substancielles économies!
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