Le trajet domicile – lieu de travail peut être du travail effectif.

La question qui se pose ici est de savoir si l’employeur doit considérer comme du travail effectif et donc rémunérer, y compris en heures supplémentaires, le temps qu’un salarié itinérant passe entre son domicile et son 1er client et réciproquement entre son dernier client et son domicile.

Situation jusqu’à l’arrêt du 23 novembre 2022

Le principe, rappelé dans un arrêt rendu le 30 mai 2018 (Cass. Soc. 30 mai 2018, n°16-20.634)  était le suivant:

Et pour savoir comment déterminer « le temps normal de trajet » au-delà duquel l’employeur doit verser cette contrepartie, la Cour de Cassation (Cass. Soc. 30 mars 2022, n°20-17.230) nous conduit à faire référence au lieu habituel de travail.

Elle définit ce lieu habituel de travail des salariés itinérants comme « le lieu où se situe l’agence de rattachement si tant est que celle-ci se situe à une distance raisonnable de son domicile, de façon à ce que le temps de trajet ainsi déterminé soit équivalent au temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail d’un salarié dans la région considérée. »

En l’absence d’une agence de rattachement située à une distance raisonnable du domicile du salarié itinérant, il appartiendrait à l’employeur de déterminer ce qu’est un temps normal de trajet à l’intérieur de la région concernée.

Qu’en est-il après l’arrêt du 23 novembre 2022

Tenant compte de la jurisprudence européenne (CJUE 10 sept. 2015, affaire C-266/14 et  CJUE 9 mars 2021, affaire C-344/19), la Cour de Cassation décide que désormais il convient de prendre en compte les contraintes auxquels les salariés sont réellement soumis pour déterminer si le temps de trajet des travailleurs itinérants constitue ou non du travail effectif.

Ainsi, par référence aux dispositions de l’article L3121-1 du code du travail, le temps de trajet entre le domicile et les sites du premier et du dernier client des salariés itinérants sera considéré comme du travail effectif si le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles. Dans ces conditions, le temps de trajet sera comptabilisé afin d’être rémunéré et sera pris en compte dans la détermination des heures supplémentaires.

Il en est ainsi d’un salarié qui « devait en conduisant, pendant ses déplacements, grâce à son téléphone portable professionnel et son kit main libre intégré dans le véhicule mis à sa disposition par la société, être en mesure de fixer des rendez-vous, d’appeler et de répondre à ses divers interlocuteurs, clients, directeur commercial, assistantes et techniciens, exerçait des fonctions de  »technico-commercial » itinérant, ne se rendait que de façon occasionnelle au siège de l’entreprise pour l’exercice de sa prestation de travail et disposait d’un véhicule de société pour intervenir auprès des clients de l’entreprise répartis sur sept départements du Grand Ouest éloignés de son domicile, ce qui le conduisait, parfois, à la fin d’une journée de déplacement professionnel, à réserver une chambre d’hôtel afin de pourvoir reprendre, le lendemain, le cours des visites programmées » (Cass Soc. 23 nov. 2022, n°20-21.924)

Un réel revirement ou une simple évolution

Il nous semble toutefois excessif de voir cette décision comme un revirement de la jurisprudence de la Cour de Cassation.

En effet, le principe reste celui posé par le code du travail dans son article L.3121-4 qui dispose que : « le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d’exécution du contrat de travail n’est pas un temps de travail effectif. Toutefois, s’il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il fait l’objet d’une contrepartie soit sous forme de repos, soit sous forme financière. La part de ce temps de déplacement professionnel coïncidant avec l’horaire de travail n’entraîne aucune perte de salaire. »

En revanche, la Cour de Cassation accepte désormais de considérer que, si pendant le temps de déplacement professionnel pour se rendre de son domicile chez son 1er client ou de son dernier client à son domicile, le salarié itinérant n’est pas en mesure de vaquer librement à ses occupations personnelles mais reste à la disposition de son employeur, alors ce temps de déplacement doit être considéré comme du travail effectif.

Il s’agit en fait d’une évolution de la jurisprudence qui peut se voir comme un mariage plutôt réussi entre les dispositions de l’article L3121-4 posant le principe général et celles de l’article L3121-1 définissant la notion de travail effectif ainsi que l’exception à la règle.

Il n’en demeure pas moins qu’il appartient désormais à l’employeur d’être vigilant sur le régime de traitement de ces temps de déplacement et de bien faire la distinction entre ceux:

   

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