Une clause de non-concurrence : qu’est-ce que c’est ?
La clause de non-concurrence est une clause par laquelle le salarié s’engage à ne pas exercer, pendant une période déterminée à partir de la cessation de la relation de travail, une activité concurrente à celle de son employeur, pour son propre compte ou celui d’un autre employeur.
Elle est facultative et peut être prévue soit directement par le contrat de travail, soit par la convention collective dont relève l’entreprise. Dans cette dernière hypothèse, la clause ne sera opposable au salarié que pour autant qu’elle ait été portée à sa connaissance au moment de son embauche.
Les conditions de validité de la clause de non-concurrence
La clause de non concurrence est une création jurisprudentielle. Ses conditions de validité ont été posées par la Cour de Cassation, dans un arrêt de principe rendu le 10 juillet 2002 (Cass. Soc. 10 juill. 2002, n°00-45135). Il en ressort qu’une « clause de non-concurrence n’est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise, limitée dans le temps et dans l’espace, qu’elle tient compte des spécificités de l’emploi du salarié et comporte l’obligation pour l’employeur de verser au salarié une contrepartie financière, ces conditions étant cumulatives. »
En outre, la clause doit avoir été acceptée par le salarié au moment de son embauche ou ultérieurement par la signature d’un avenant à son contrat de travail.
La protection des intérêts légitimes de l’entreprise
Le but de la clause de non concurrence est de protéger l’entreprise. C’est donc à cette dernière qu’il appartient de caractériser le risque que représente pour elle le fait de laisser un salarié partir à la concurrence mais il n’est pas nécessaire que les risques encourus soient mentionnés dans le contrat de travail (Cass. Soc. 15 déc. 2021, n°20-18.144).
Les juges apprécieront cette notion « d’intérêts légitimes » au cas par cas, en fonction du poste occupé par le salarié et du secteur d’activité de l’entreprise. Il a ainsi été jugé qu’une clause de non-concurrence insérée dans le contrat d’un laveur de vitres n’est pas indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise (Cass. Soc. 14 mai 1992, n°89-45.300). Il en est de même pour un technico-commercial pour lequel, compte tenu des fonctions effectivement exercées, la clause de non-concurrence n’a pas été jugée indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise (Cass. Soc. 22 mai 2024, n°22-17.036).
La limitation dans le temps et dans l’espace
La clause de non concurrence devra définir sa durée d’application: pas de restricton aux droits des salariés qui aurait une durée indéterminée. Une durée excessive (ex: 5 ans) pourrait conduire à invalider la clause. En revanche, selon les cas d’espèce, il n’est pas rare que la Cour de Cassation valide des durées d’application pouvant aller jusqu’à deux ou trois ans.
La clause doit aussi définir son périmètre d’application. La licéité du périmètre d’application fait également l’objet d’une appréciation au cas par cas par les tribunaux sur la base de l’ensemble des éléments de la cause.
La Cour de Cassation a ainsi jugé que la clause de non concurrence ne peut avoir pour périmètre d’application le monde entier, car cela reviendrait à ne pas comporter de limite dans l’espace (Cass. Soc. 8 avril 2021, n°19-22097). En revanche, elle a déjà admis la validité de clauses applicables en Europe et en Asie-Pacifique (Cass. soc. 3 juill. 2019 n° 18-16134) ou sur la France entière (Cass. soc. 15 déc 2009, n° 08-44847). L’application dans un périmètre régional ne pose en général pas de difficulté, si les autres conditions sont satisfaites.
Le juge a toutefois le pouvoir de réduire ou d’allonger le périmètre géorgraphique retenu ou la durée d’application de la clause (Cass. soc. 18 sept. 2002, n°00-42.904) mais cette faculté disparaît dès lors que le salarié sollicite la nullité de la clause (Cass. Soc. 22 mai 2024, n°22-17.036).
La prise en compte des spécificités de l’emploi du salarié
En imposant au salarié une clause de non-concurrence, l’ancien employeur doit lui laisser la possibilité d’exercer normalement l’activité qui est la sienne.
Les juges doivent ainsi s’assurer que le salarié ne se trouve pas dans l’impossibilité d’exercer une activité conforme à sa formation, à ses connaissances et à son expérience professionnelle (Cass. Soc. 3 juill. 2019, n°18-16134).
L’exigence d’une contrepartie financière
Par trois arrêts de principe rendus le 10 juillet 2002 (Cass. Soc. 10 juillet 2002, n°00-45.135, n°00-45.387, n°99-43.334), la Chambre sociale de la Cour de cassation a opéré un important revirement de jurisprudence en énonçant que la clause de non-concurrence doit, à peine de nullité, contenir une contrepartie financière. Elle affirme en effet que « l’exigence d’une contrepartie financière à la clause de non-concurrence répond à l’impérieuse nécessité d’assurer la sauvegarde et l’effectivité de la liberté fondamentale d’exercer une activité professionnelle » (Cass. Soc. 17 déc. 2004, n°03-40.008).
Cette contrepartie doit être précisée dans les clauses contractuelles relatives à la non concurrence. Il a toutefois été admis que cette contrepartie puisse être fixée uniquement par la convention collective dès lors que le contrat s’y réfère (Cass. soc. 21 oct. 2020, n°19-18387).
L’indemnité doit être fixée en considération des contraintes imposées à l’ancien salarié, après la rupture de son contrat de travail. Elle doit ainsi être mesurée mais ne peut être ni dérisoire (Cass . soc. 15 nov. 2006, n°04-46721), ni excessive (Cass. Soc. 4 nov. 2020, n°19-12279), sous peine d’être illicite et de ne pouvoir recevoir application. La contrepartie financière ne constituant pas une clause pénale, le juge n’a en effet aucun pouvoir pour décider d’en réduire ou d’en augmenter le montant (Cass. Soc. 13 oct. 2021, n°20-12.059).
La contrepartie financière ne peut pas non plus varier en fonction des causes de la rupture. Ainsi, la clause prévoyant le versement d’une indemnité minorée en cas de démission a été jugée « non écrite » par la Haute Juridiction laquelle a condamné l’employeur à verser à son ancien salarié l’intégralité de l’indemnité (Cass. Soc. 21 oct. 2020, n°18-18928).
La possibilité pour l’employeur de renoncer à l’application de la clause
Il a été reconnu la possibilité pour l’employeur de renoncer à l’application de la clause de non concurrence, à condition que la convention collective ou le contrat de travail l’ai prévu et en ai défini les formes et délais. Si tel n’est pas le cas, l’employeur ne pourra y renoncer qu’avec l’accord du salarié.
L’employeur qui exerce sa faculté de renonciation en respectant les formes et délais requis n’a pas à démontrer que le salarié a reçu sa lettre ou qu’elle lui a été présentée et qu’il en a été avisé (à propos d’un envoi par LRAR – Cass. Soc. 3 févr. 2021, n°19-16695). En revanche, si l’employeur renonce à l’application de la clause en usant d’autres moyens que ceux prévus par la clause, la renonciation n’est pas valable et l’employeur ne peut s’exonérer du paiement de la contrepartie financière (à propos d’une renonciation par e-mail en lieu et place d’une LRAR – Cass. Soc. 21 oct. 2020, n°19-18399).
Jusqu’à un arrêt récent (Cass. Soc. 20 janv. 2022, n°20-15.755), en matière de rupture conventionnelle, il était jugé que le délai de renonciation à la clause de non-concurrence stipulé au contrat de travail courait à compter de la date de rupture fixée par la convention de rupture . C’est terminé! Désormais, l’employeur doit renoncer à l’application de la clause de non-concurrence au plus tard à la date de rupture du contrat de travail. Ainsi, l’employeur, s’il entend renoncer à l’exécution de la clause de non-concurrence, doit le faire au plus tard à la date de rupture fixée par la convention, nonobstant toutes stipulations ou dispositions contraires (Cass. Soc. 24 janv. 2024, n°22-20.201).
Cette jurisprudence s’aligne sur les règles applicables lorsqu’il y a dispense d’exécution du préavis (partiellement ou en totalité), puisque dans cette hypothèse l’employeur qui souhaiterait renoncer à l’application de la clause de non-concurrence doit le faire au plus tard à la date du départ effectif du salarié de l’entreprise et ce nonobstant toutes stipulations ou dispositions contraires.
Dans tous les cas, « la renonciation par l’employeur à l’obligation de non-concurrence ne se présume pas et ne peut résulter que d’actes manifestant sans équivoque la volonté de renoncer » (Cass. Soc. 6 fév. 2019, n°17-27.188) . La simple mention « libre de tout engagement » qui figurerait sur le certificat de travail du salarié est insuffisante à caractériser la volonté de l’employeur de libérer le salarié de sa clause de non-concurrence (Cass. Soc. 19 juin 1991, n°86-45.504). Il en est de même de l’acceptation de l’employeur de dispenser le salarié de l’exécution de son préavis pour lui permettre d’entrer au service d’une autre entreprise non concurrente (Cass. Soc. 13 oct. 1988, n°85-43-261).
Cette obligation d’une manifestation expresse de volonté de l’employeur de renoncer à l’application de la clause de non-concurrence a conduit la Cour de cassation a jugé que le fait que l’entreprise soit en liquidation judiciaire n’emporte pas de plein droit libération du salarié de son obligation de non concurrence. Il en résulte qu’à défaut, pour le liquidateur, d’avoir informé le salarié, dans les formes et délais requis par le contrat de travail ou la convention collective, de sa décision de renoncer à l’application de la clause de non concurrence, la contrepartie financière reste due au salarié (Cass. Soc. 6 janv. 2021, n°19-18312).
En revanche, et opérant un revirement de jurisprudence, la Cour de Cassation considère désormais que si l’employeur n’a pas libéré le salarié de son obligation de non concurrence au moment de la rupture, la régularisation d’une transaction ultérieure rédigée en des termes généraux comprend les obligations issues de la clause de non concurrence. Elle juge en effet que les obligations réciproques des parties au titre d’une clause de non-concurrence sont comprises dans l’objet de la transaction par laquelle ces parties déclarent être remplies de tous leurs droits, mettre fin à tout différend né ou à naître et renoncer à toute action relative à l’exécution ou à la rupture du contrat de travail (Cass. Soc. 17 fév. 2021, n°19-20635).
Un employeur qui renoncerait à l’application de la clause de non-concurrence au-delà de la date limite à laquelle il pouvait le faire ou en ne respectant pas le formalisme imposé par le contrat ou la convention collective ou encore en n’exprimant pas une volonté expresse suffisamment sans équivoque reste tenu du paiement de la contrepartie financière pour toute la période pendant laquelle le salarié a respecté les termes de la clause.
Les conséquences d’une clause de non-concurrence illicite
La question se pose de savoir quel est le sort de la contrepartie financière versée à un salarié alors que le juge considère que la clause de non-concurrence comme illicite et conclut à sa nullité.
Il faut distinguer deux situations :
- si le salarié a respecté les termes de la clause, l’employeur ne peut se fonder sur sa nullité pour solliciter le remboursement de la contrepartie financière (Cass. Soc. 28 oct. 1997, n°94-43.792) et peut prétendre au paiement d’une indemnité en réparation du fait que l’employeur lui a imposé une clause nulle portant atteinte à sa liberté d’exercer une activité professionnelle.
- si le salarié n’a pas respecté les termes de la clause, « l’employeur qui prouve que le salarié a violé la clause de non-concurrence pendant la période au cours de laquelle elle s’est effectivement appliquée, est fondé à solliciter le remboursement de la contrepartie financière indûment versée à compter de la date à laquelle la violation est établie » (Cass. Soc. 22 mai 2024, n°22-17.036).
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